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Études, veille et analyse
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Nature en ville, circuits courts et urbanisme transitoire : la veille confinée du mois d'avril

Si les premières semaines du confinement ont été riches en articles d'analyse et en tribunes, l'actualité du début du mois d'avril a été davantage tournée vers la mise en lumière d'initiatives : tutos pour imprimer ses masques en 3D, création de circuits courts dans l’agro-alimentaire ou urbanisme transitoire appliqué à l’élargissement des pistes cyclables...
 

Rééquilibrer le partage de la voirie : cette fois c'est la bonne ?

Les mesures de distanciation sociale pourraientvelo urbanisme transitoire-elles encourager la pratique du vélo ? A Angers, Lyon et dans de nombreuses collectivités en Île de France, des démarches d’urbanisme tactique ont été initiées (ou vont l’être) pour rééquilibrer le partage de la voirie en faveur des modes actifs en vue du déconfinement de la population. 
 
Le Cerema a produit un petit guide sur la question. Par ailleurs, avis aux parangonneurs : ce document collaboratif recense des initiatives en faveur de la marche et du vélo en contexte de distanciation sociale.
 
Pour finir cette section, une réflexion critique de Julien de Labaca soulignant “la confusion entre rapidité et urgence, entre temporaire, tactique, réversible et transitoire”. L’urgence de l’action “ne doit pas faire oublier la grande complexité de la production de la ville”. Les axes sélectionnés sont-ils les plus pertinents pour y développer des voies cyclables ? Quels ajustements aux intersections ? Quelle place laissée à la la marche à pied ? 
 
Cette question de la pérennité est clé : aux crises dans les transports publics s'adossent des changements de comportements (covoiturage, télétravail, vélo)... souvent temporaires. Au déconfinement, l’autosolisme, perçu comme plus sûr que les transports en commun le covoiturage et autres mobilités urbaines partagées, risque de gagner davantage de terrain. Laurent Souillé en explore ici quelques raisons.  

 

Des questionnements sur la vulnérabilité alimentaire française, les circuits de production alimentaires et les aspirations des Français. 

De nombreux acteurs alertent sur la crise alimentaire en cours et à venir. "Qui veille au grain pour demain ?" se demandent les Greniers d’Abondance, association de réflexion sur la résilience alimentaire, alors que notre dépendance à la main d’oeuvre étrangère, les faibles stocks et la dépendance aux transports renforcent les vulnérabilités de notre système alimentaire. Une tribune publiée sur Le 1 Hebdo appelle, une fois la crise sanitaire passée, à une transition citoyenne de notre modèle agricole : “chaque municipalité ou intercommunalité peut faire l’inventaire de son territoire avec ses citoyens, selon une grille à co-élaborer, afin de cartographier la France, d’échanger et de s’entraider”
 
Des projets sont déjà engagés en ce sens et l’on a vu se développer ces dernières semaines de nombreuses initiatives visant à accélérer la mise en relation des producteurs et consommateurs locaux. L’agence de design Vraiment Vraiment propose ainsi un mode d’emploi  (à destination des communes) pour créer un outil de mise en relation entre producteurs, commerçants et consommateurs. Ce petit guide a été consolidé sur la base d’une expérimentation menée en avril 2020 sur la commune de Lormes. Le site valleesdegavarnie.carto.guide répertorie les commerces ouverts et les initiatives locales. 
 
En effet, faute de débouchés chez les restaurateurs, de nombreux agriculteurs se sont rapprochés des consommateurs pour écouler leur production. Un premier pas vers des circuits alimentaires plus courts ? Selon un sondage réalisé pour Les Echos et Radio Classique, 89% des Français souhaitent relocaliser les productions quitte à payer plus cher. Mais ces revirements devront s’inscrire dans des politiques publiques ambitieuses. Pour atteindre une autonomie alimentaire de 15 % (contre 4,6 % actuellement), la métropole de Lyon envisage d’augmenter les capacités de production du territoire mais également d’encourager les producteurs à vendre leurs produits directement dans la région plutôt que de les exporter. 

Les apports du numérique questionnés

Le CNNum recense dans ce tableau les projets lancés ou adaptés pour la lutte contre le covid-19 et ses impacts sociaux : partage de données de santé, acheminement de matériel informatique vers les hôpitaux, plateformes de test en ligne, etc. On y retrouve de nombreuses plateforme déjà existantes visant à encourager les liens de proximité entre voisins (Smille) ou avec les personnes âgées (le service… de la Poste). Du côté de la communauté maker,  https://covid-initiatives.org/ recense plans 3D et tutoriels pour la fabrication de matériel de santé et espaces matériaux Do-it-yourself et imprimeurs 3D à proximité. 

Et quid du recensement des malades ? StopCovid, l’application développée par le gouvernement, pour surveiller la propagation du virus après le déconfinement semble mal accueillie et les articles en sa faveur plus difficiles à dénicher que du gel hydroalcoolique. Sur les questions techniques (et les jeux d’alliance nécessaires avec Google/Android et Apple)  Raphael Grably conclut ainsi que l’application sera plus inutile que dangereuse. 
Mais de nombreuses voix soulignent les risques pour la protection de la vie privée, à l’instar dHubert Guillaud, Paula Forteza ou de la Quadrature du Net, qui a produit un résumé imagé de ses arguments (voir image ci-contre)
 
Autre méthode, un article passionnant du New York Times sur l’Etat du Massachusetts qui, plutôt que de développer une application, a embauché des milliers de volontaires pour contacter et réconforter les personnes malades, prévenir la propagation du virus et cartographier les poches de contamination. 

 

L’impossible idylle entre nature en ville et densité : vraiment ? 

Des tribunes interposés ont questionné la pertinence, les risques et les bienfaits de cette alliance. Tout avait commencé lorsque Jean-Christophe Fromantin, maire de Neuilly-sur-Seine, et le scientifique Didier Sicard ont présenté la nature en ville comme “une promesse dangereuse” qui, dans une tentative de concilier "métropolisation” et “envie de nature”, introduit dans l’environnement urbain des espèces végétales et animales non adaptées. 
 
"Un raccourci absurde, voire tendancieux” pour treize chercheurs du Muséum d’histoire naturelle, qui rappellent les “ bénéfices en ternature biodiversite villemes de santé psychologique et physique pour les citadins” de la nature en ville.., tandis que “les villes les plus minérales font le lit de nombreuses maladies allergies, anxiétés, affections respiratoires et cardiovasculaires…"
 
 Une autre pierre à ces réflexions est posée par Patrick Henry, qui appelle à reconsidérer les sols urbains : “retrouver les sols, c’est les envisager comme des êtres vivants. Le retour de la nature en ville ne se traduit pas par un verdissement des surfaces, mais par le fait de considérer l’urbain dans un écosystème, renversant les hiérarchies en vigueur et adoptant une forme de frugalité pour sa gestion (eau, air et sols)” 

 

Pour finir, si vous avez encore envie de vous plonger dans la lecture et la réflexions...

On vous renverra au podcast de Slate, Poire & Cahouètes qui s'est amusé à classer quelques penseurs de la situation actuelle en cinq grandes familles (la maison écolo-collapso, la maison Orwell / Foucault, la maison réac, la maison libérale optimiste, et la maison de la pensée critique) ou aux réflexions suivantes, publiées dans la revue AOC :
 
"Contrairement à ce que l’on peut entendre, l’épidémie de Covid-19 n’est pas une « chance pour le climat ». Les conséquences sur l’environnement pourraient même s’avérer désastreuses, et il semble illusoire de vouloir appliquer au changement climatique les mêmes mesures que celles qu’on applique actuellement contre le coronavirus. Il nous faudra au contraire retrouver le sens de ce que nous avons en commun, au-delà de nos frontières nationales, pour garder la Terre respirable par tous"
 
"Oui, nous pouvons arrêter, le monde. Et c’est même c’est très facile. Voilà le miracle que semble accomplir le Coronavirus. Mais c’est nous, et non le virus, qui l’avons fait ! Utilisant pour cela la même force qui jusqu’alors nous conduisait à produire toujours plus et toujours plus vite. On sait comment on freine. Que fait-on après ?"
 
“Alors que le confinement se prolonge, il convient de rester attentif aux restrictions des libertés et aux conséquences de l’isolement social. Il nous faut craindre l’opportunité que la pandémie offre aux pouvoirs en place, refuser le spectacle de panique mis en scène par les médias, trouver des moyens pour lutter contre le fossé qui se creuse entre classe moyenne protégée et classe ouvrière exposée, explorer les différentes formes de diversité capables de concilier ville verte et ville saine, et utiliser les nouvelles technologies pour affirmer, au sein de la ville, le pouvoir de la communauté.”
 
 

Cette note a été réalisée grâce à la veille effectuée par les équipes de Chronos et d'Auxilia ainsi que par Bruno Marzloff.

 

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